La BCE face à un dilemme ce jeudi

Luc Aben
Économiste en chef

La BCE face à un dilemme ce jeudi

11 septembre 2023
La faiblesse de l'économie et la persistance de l'inflation se disputent la priorité dans la décision sur les taux d'intérêt

En bref :

  • La dynamique des prix aux États-Unis commence lentement à s'atténuer.
  • L'économie américaine est plus résiliente que l'économie européenne.
  • La hausse des prix du pétrole complique l'analyse de l'inflation par la Fed et la BCE.

Nouveaux chiffres (CPI) pour l'inflation américaine et réunion stratégique pour la BCE. Voilà les points forts de l'agenda macro de cette semaine.

La dynamique des prix faiblit

Les nouvelles les plus récentes de l'inflation américaine datent de deux semaines. L'autre baromètre des prix, l'indice PCE, ne semblait pas indiquer, à première vue, un ralentissement de la dynamique des prix. En glissement annuel, le PCE de base atteignait 4,2 %. Très éloigné de l'objectif de 2 %.

Mais si nous isolons l'évolution des trois derniers mois et que nous la transposons en base annuelle, l'inflation de base a reculé à 2,8 %. Par rapport à 3,3 % pas plus tard que le mois précédent. Beaucoup plus proche de l'objectif final. Si nous y ajoutons que la contribution du coût de logement à l'inflation va progressivement se réduire, les 2 % sont en vue.

Il en va de même pour le CPI de base. Par rapport au PCE, le coût de logement pèse encore davantage dans le CPI.

La lutte n'est pas encore gagnée

Cela ne signifie pas que la lutte contre l'inflation aux États-Unis est définitivement gagnée. L'économie reste effectivement résiliente. Jeudi, les ventes de détail du mois d'août nous donneront une indication du caractère durable, ou non, de cette résilience. La semaine dernière, l'indice ISM des directeurs d'achat suggérait que c'était bien le cas pour le secteur des services. Tant le résultat global que la question subsidiaire sur la pression sur les prix ont dépassé les attentes.

Autre illustration récente de la résistance économique : le marché du travail. Après quelques semaines à la hausse, le nombre de nouvelles demandes d'indemnités de chômage est reparti à la baisse la semaine dernière. Ce qui contraste avec le rapport mitigé du marché du travail du mois d'août reçu précédemment.

En bref, les indications sur l'évolution de l'inflation à attendre sont un peu contrastées. Il n'est donc pas encore sûr qu'on en ait fini avec les hausses de taux de la Réserve Fédérale (Fed). Même si l'inflation – qui entre-temps fléchit – conforte le pouvoir d'achat. Ce qui peut, à son tour, soutenir une forte demande et faire rebondir l'inflation.

Autre élément qui complique l'analyse de la Fed : le prix du pétrole qui repart à la hausse. Cela se verra dès jeudi prochain, probablement, dans le chiffre général de l'inflation. C'est à la Fed de décider, dans dix jours, d'intervenir, ou pas.

La BCE face à un dilemme

Quant à la BCE, elle peut se pencher dès jeudi sur sa politique de taux.

Les données économiques de la zone euro s'avèrent tout simplement mauvaises. L'indice PMI des directeurs d'achat du secteur des services a plongé en zone de contraction après l'industrie, pour qui c'était déjà le cas. Dans le secteur des services également, l'effet de réouverture s'est évanoui.

En outre, le chiffre de la croissance au deuxième trimestre a été revu à la baisse, de +0,3 % à +0,1 %. En dehors des chiffres, qui tourneront légèrement au-dessus ou en dessous de zéro, le message est que la zone euro stagne depuis déjà trois trimestres.

Alors que l'inflation persiste. Avec ses 5,5 % en glissement annuel, l'inflation de base ne donne pratiquement aucun signe de refroidissement. Sans compter que les PMI suggèrent le maintien de la pression sur les prix.

Le consommateur l'a également compris. Il ne voit pas l'inflation baisser vers les 2 % souhaités dans les prochaines années.

Tout cela débouche, dans la zone euro, sur un environnement aux accents de stagflation. Un exercice difficile pour les banquiers centraux. Et, comme pour les États-Unis, la hausse du prix du pétrole (et de certains produits alimentaires) complique la donne.

Jeudi sera donc un close call. Si l'on s'en tient strictement à l'inflation et en gardant à l'esprit le mandat strict de la BCE (en tout cas, en théorie), une nouvelle hausse de taux ne serait pas illogique.

Si la BCE fait une pause, Christine Lagarde insistera au moins sur le fait que la politique de taux restera élevée pendant un bon moment. En laissant la porte ouverte à un autre resserrement monétaire. La dynamique économique n'a peut-être pas encore assez faibli pour, en cas d'inflation persistante, empêcher la BCE de finalement procéder à une nouvelle hausse de taux.

 

Publications macroéconomiques importantes

Du 11 septembre au 15 septembre

Jour de publication

Région

Publication de

Période

Consensus

Mardi

Allemagne

Indice ZEW

Sept.

-15,0

Mercredi

Zone euro

Production industrielle MoM

Juil.

-0,7%

 

États-Unis

Inflation CPI MoM 

Août

0,5%

 

 

Inflation de base CPI MoM

Août

0,2%

Jeudi

Zone euro

Réunion stratégique de la BCE

 

 

 

États-Unis

Ventes de détail MoM

Août

0,2%

Vendredi

Chine

Production industrielle YoY

Août

4,0%

 

 

Ventes de détail YoY

Août

2,8%

 

États-Unis

Confiance des consommateurs (flash)

Sept.

69,5

Luc Aben
Économiste en chef
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